En plus de l’absence d’avocat permanent dans le département de Bignona, les populations ignorent le règlement n° 5 de l’Uemoa.
À l’intérieur de la Brigade de gendarmerie, certains sont assis à même le sol faute de siège. Ici, jeunes garçons et filles attendent chacun son tour pour être entendu par le chef de brigade. Normalement, les après-midis, il y a moins d’affluence dans les locaux de cette institution, la seule en charge de la Police dans cette commune.
Mais, depuis la découverte d’un corps, lundi 24 mai, à l’hôtel de Badiouré, village situé dans la commune de Bignona, les hommes en bleu œuvrent sans relâche pour déceler les mobiles de cette mort que d’aucuns estiment « suspecte ». Dans la capitale du « Fogny », les pandores ne sont pas les seuls dans la quête de la vérité. Des élèves de l’établissement où étudiait la victime ont exprimé leur volonté de voir l’enquête aboutir à l’arrestation des auteurs. Idem pour les parents des personnes « suspectées ».
« Nous sommes pressés que la vérité éclate, car je n’ai pas bien dormi à cause de cette affaire », se plaint Maboury Seck, boucher à l’abattoir de Bignona. Son frère, âgé de 19 ans, est parmi les individus convoqués dans cette affaire. Suffisant pour lui poser la question de savoir si le mis en cause a commis un conseil. « Je ne saurais répondre par l’affirmative. Ce dont je suis sûr, c’est que la famille ne dispose pas d’assez de moyens financiers pour commettre un avocat », confie M. Seck qui dit ignorer le règlement n° 5 de l’Uemoa.
« L’État ne peut affecter d’office un avocat à l’individu en conflit avec la loi que dans le cadre d’un crime », explique une autorité judiciaire qui réclame l’anonymat. Pour les gardés en vue pour des délits, la plupart du temps, « ils déclinent, faute de moyens pour payer les services d’un conseil ». Loin d’être le cas de Moussa et Thierno Bâ, détenteurs d’un service de transfert d’argent. En 2019, Thierno, le jeune frère, a été arrêté suite à une plainte d’une cliente. Cette dernière a été arnaquée juste après l’envoi de 60 000 FCfa à partir de la boutique des frères Bâ. « Elle nous a accusés d’avoir abusé de sa confiance », se souvient Moussa, or « c’est elle qui a transmis son code d’envoi à un inconnu et ce dernier a retiré son argent ».
Entendu par la Gendarmerie, Thierno a été déféré. Le jour du procès, il dit se croire dans une autre affaire. « Ce que j’ai dit et ce qui m’a été lu par le gendarme ne colle même pas avec ce que me disait le juge ; le procès-verbal a été modifié du début à la fin », renseigne-t-il. Le procès-verbal de la Gendarmerie étant la base de la poursuite, Thierno Bâ n’avait pas d’avocat lors de son audition. « Le chef de la brigade qui m’entendait ne m’a pas demandé si j’avais besoin d’un avocat et moi, j’ignorais qu’il me fallait un conseil à cette phase de la procédure », souligne-t-il. Si Thierno a réussi à s’en sortir avec une relaxe, c’est grâce au reçu d’envoi qui avait été brandi le jour de son procès. Une pièce à conviction qui a prouvé son innocence. Aujourd’hui, nombreux sont ceux du département de Bignona qui répondent aux questions des enquêteurs sans avocat. Un vice de procédure dans le cadre de la violation du droit du prévenu que les avocats évitent d’évoquer au cours des procès. « Car il est arrivé plusieurs fois que la personne soit libérée suite à l’évocation du règlement n° 5 de l’Uemoa relatif à l’harmonisation de la profession d’avocat et que le Procureur demande à ce qu’elle soit arrêtée juste à sa sortie de prison. Et dans ce cas, la procédure reprend à nouveau », raconte l’autorité de la justice. « Vous imaginez si ce dernier a passé cinq ans derrière les barreaux », demande-t-il.
Jonas Basséne (Le Soleil)